On quitte notre mouillage secret pour monter toujours plus au nord dans le détroit de Atâsund, au milieu de la glace pilée et de gros icebergs. La navigation est lente mais magnifique. Sur le chemin on a l’occasion d’admirer de grandes falaises qui servent d’immeubles à des milliers de mouettes prédactiles, faciles à repérer car elles ont repeint le rocher en blanc alors que la falaise voisine est teintée d’un rouge magnifique.
On arrive finalement dans le petit village de Qeqertaq (prononcer Rerertak), une impression de bout du monde, maisons multicolores sur des rochers, adossées à une colline d’où l’on peut distinguer l’immensité des alentours et prendre encore plus conscience de l’isolement de l’endroit. Toujours beaucoup de chiens de traineaux, dont le jeune baptisé Kagnot qui nous suivra toute la ballade. Sur une maison, une immense peau d’ours blanc tendue est mise à sécher. Oui ici on chasse toujours l’ours blanc, le phoque et la baleine, ces chasses sont ancestrales, elles permettent depuis des centaines d’années aux Inuits de subsister notamment pendant l’hiver qui est ici un peu éternel !
On restera passer la nuit juste devant ce beau village.
Ce soir encore la lumière ne tombe pas et le ciel reste au bleu fixe, toujours difficile après l’apéro et le diner de se dire qu’il est bientôt minuit alors qu’il fait encore super beau sur le pont.
Au réveil, idem, la lumière n’a pas bougé. Pourtant on lève l’encre, encore une fois en direction du nord, le décor défile fidèle à ce que l’on a vu jusque-là dans un premier temps : des montagnes enneigées descendant à pic dans le chenal où baignent des icebergs de toutes les tailles. On se demande régulièrement comment certains ont fait pour arriver jusque-là. Finalement les montagnes changent, on arrive dans une zone géologiquement différente, plus volcaniques et le paysage s’en ressent. On débarque dans une baie somptueuse avec deux belles plages en sable fin, des allures de tropiques si on n’avait pas les icebergs autours. On part à la découverte de cette petite île qui pouvait nous paraitre quelconque au premier abord mais qui se révèle en fait incroyable. On découvre en haut une falaise rouge en arc de cercle avec une belle arche naturelle au bout. Au moment où on arrive on aperçoit deux baleines en contrebas. Elles nous suivront tout autours de l’île pendant plusieurs heures ! On aura aussi l’occasion de voir un renard polaire, celui-ci a déjà mué et pris son pelage de printemps, il n’a plus que la queue de blanche ! On rejoint la plage où se trouvent quelques os de baleine, notamment quelques vertèbres qui pourraient largement servir de siège à la maison.
Retour sur le bateau pour le traditionnel apéro et diner. On se couche alors que la mer est d’huile et sous un grand ciel bleu. Au réveil l’ambiance n’est pas la même, on avait entendu pendant la nuit les icebergs venir se frotter au bateau, et on comprend en regardant la plage qui est désormais remplie de gros glaçons. Un bon vent s’est levé, la mer est agitée et le décor a bien changé, un plafond de brouillard s’est installé au-dessus de nous. On passe en conditions froides, la goretex fait sa sortie et personne ne se balade sur le pont pendant la navigation alors que l’on se dirige désormais au sud. Une demi-journée de vie dans le bateau et nous arrivons à Ritenbenk, sur l’île d’Apat, tout petit village abandonné et ancienne station baleinière. Pas âme qui vive, maisons abandonnées mais encore pleines de charme, un peu plus haut une belle vue sur la baie et la mer nous attend. En terme de moustiques nous ne sommes pas loin de l’enfer, des nuages nous suivent et viennent nous piquer à travers chaussettes et polaires.
Encore une fois des baleines passent pas très loin du bateau et on entend leur grand souffle dans le calme plat de la baie. Il faut attendre le pseudo crépuscule pour que les moustiques se calment un peu ce qui nous laisse l’opportunité de boire l’apéro sur le pont en regardant les icebergs avancer doucement et les mouettes plonger pour chasser les flétans !
Ainsi nous touchons à la fin de notre petit séjour car au matin nous hissons les voiles et prenons le cap d’Ilulissat où nous passerons une dernière nuit avant le retour !